Arnaud Sagnard hier soir chez Taddeï face à Ariel Wizman : aïe !
Sur le plateau y avait aussi une bombasse en com, un inoffensif modiste, une Dani redondante (sachons respecter les anciens), Michel Maffesoli qui parlait pour dire quelque chose -- en l'occurrence, la tradition (ne serait-ce que pour pas innover dans le vide) -- et un détecteur de tendance ou je sais trop quoi, enfin quelqu'un sinon d'essentiel du moins rigolard, sympathique, bien dans sa peau et qui sait se tourner en dérision y a pas de sot métier et blabla.

Ariel noie l'adversaire dans la réthorique. Il est doué. Mais les gens qui vivent comme dans les années 20 et d'une j'en ai rien à foutre et de deux si c'est ça les branchés alors les branchés sont des dandies. Or le dandy travaille en profondeur. Parce que la blessure est profonde (pensez à Baudelaire ou, toutes proportions gardées, Alain Pacadis). En outre le dandy est élitiste, s'il se dit démocrate c'est pour exaspérer quelqu'un. Le dandy est une espèce exigeante et réactionnaire. Qui en plus n'existe que par trucage intellectuel car on doit dire "les" dandies. (Imaginez-vous en train de dire "LE juif" : l'Histoire est passée par là...) Et ça vaut même pour nos pragmatiques amis chinois. (Delenda Beijing ! néanmoins.)

Dani a passé son temps à tenir les mêmes propos (en gros : être soi-même pour accepter l'autre, ce qui a le mérite de relever du simple bon sens). Ah bon , c'est donc ça pour elle un branché ? Non, c'est aussi un rebelle. Contre quoi, contre qui ? Contre les institutions j'imagine. Autrement dit, les pouvoirs temporels qui imposent et contrôlent (on va s'en tenir aux temporels, actuellement ceux de la société du Spectacle). Contre le prêt-à-penser, le dogmatisme, la bien-pensance, la pernicieuse propagande.

Dans ce cas, Philippe Muray était un véritable branché... et en tout cas un bon écrivain.
Le problème c'est que chacun se fait son image du branché.

Je n'ai pas lu 'Vous êtes sur la liste' ni les ouvrages de Maffesoli et les branchés m'indiffèrent. Mais Wizman m'a exaspéré. Voilà quelqu'un pour qui la belle vie c'était de dormir sous les banquette du Palace après avoir côtoyé Lagerfeld. J'entends d'ici "c'est réducteur, de la mauvaise foi !" Eh bin quoi, il est pas de mauvaise foi Wiwiz ? Il a pas compris de quoi il s'agit ? Ou alors il croit que le monde est un endroit agréable où il fait bon se délecter de l'insouciance et de l'impermanent printemps . Comme il est pas con et plein de faconde, il doit se douter qu'il s'agit pas uniquement de branchés. Il en va de sujets bien plus cruciaux.
Comme il est pas con donc, il condescend à convenir que certes parfois Sagnard a pas tout à fait tort. "Il y a du vrai dans ton bouquin" entre deux vannes. Car si pour un banlieusard moyen Paris fait rêver, un banlieusard doué a vite compris qu'il fallait aussi faire rire Paris. Et qui a Paris a la France, c'est bien connu depuis le festival de décapitations jacobin...
Faire du bel esprit, ça il a pigé Wizman.

Mais les aristos libertins avaient-ils senti le vent tourner ? D'accord, on voit mal les broumf citoyens se faire justice eux-mêmes tellement ils ont été littéralement abrutis. Quoique de temps en temps certains brûlent des voitures. Ceux-là n'ont aucun Robespierre, aucun Danton à leur disposition. Mais au fond, Ariel, t'es pas comme les autres toi aussi ? tu la sens pas l'odeur dégueulasse de l'injustice ? ça t'empêche pas de dormir, après avoir aussi côtoyé Emmanuel Lévinas ?
Bon, ou alors tu t'en fous, comme Ardisson, comme ceux qui se sont faits, "qui en sont", de ce que peut bien raconter un type assoiffé mais pas que de champagne ni d'objets jetables ou d'objets de consommation à durée limitée.