ERANOS à ASCONA

Ascona figure parmi les grands lieux de référence dans l`histoire moderne de la civilisation européenne. Le village tessinois devenait, à la fin du dix-neuvième siècle, un endroit de ralliement pour les réfugiés et les exilés de ce monde bourgeois qui s`était soumis à la foi en l`homme comme maître et possesseur de la nature. Cette idée du `progrès´ - religion séculaire et jalouse de toute autre - ne se répandait pas à l`unanimité générale. Au contraire, elle provoquait un mouvement de dissidence actualisé par le désir de résister au désenchantement progressif du monde et de préserver et, en tant que nécessaire, de regagner les sources spirituelles, mythiques, religieuses de la vie humaine. Cela n`était pas un interêt abstrait, purement académique. Il s`agissait plutôt d`une quête existentielle, dans un sens indivuel aussi bien que social. C`est la raison pourquoi cette quête était étroitement liée à des aspirations à faire revivre l`expérience d`une sagesse et des pratiques communautaires. L`inspiration devrait être aussi l`orientation. Il y a, bien entendu, d`autres lieux dans la topographie culturelle du vingtième siècle qui ont été des lieux de créativité dans la formation de la physionomie culturelle de ce siècle. Vienne, bien sûr, est l`example le plus connu. Mais on pourrait évoquer également Paris, Berlin, Heidelberg, Munich. Et Ascona. Ce lieu créateur parmi les autres qui est encore le moins connu ou, plus précisément, le moins étudié. C`est doublement étonnant. Car Ascona a hébergé - dans le village même et au `Monte Verità´ - les essais les plus longs, les plus intenses, les plus divers et, aussi, les plus purs pour penser et élaborer une `autre´ civilisation - une civilisation dans la modernité, mais une civilisation de spiritualité, en pleine humanité néanmoins.

Et Ascona se prête idéalement à la curiosité scientifique: Tout y est encore terre peu cultivée, rares sont les pistes tracées. C`est un défi à toute sensibilité originale. Vu d`aujourd`hui, notre village tessinois était un laboratoire où s`est fait la gestation de la vision culturelle qui est devenue la nôtre: l`écologie, l`harmonisation de la vie humaine et de la nature; l`étude comparative des symboles, des religions, du monde imaginaire, le dialogue des cultures, entre l`Occident et l`Orient, l`Europe et les Amériques, les modernes et les anciens; l`égalité des femmes, leur créativité culturelle et leurs modes de création à elles, le rôle élémentaire de la différence des sexes dans la construction du monde humain; la redécouverte du corps, dans la danse moderne, dans les comportements physiques, alimentaires et vestimentaires; la culture de la tolérance, de la paix, le refus des dogmatismes; l`étude intégrale de la personne humaine: les rêves, l`âme, l`imagination, la vie et la mort, le savoir et l`ignorance, la raison et les sentiments, l`un et l`autrui, la liberté et les règles, l`indivu et la communauté, les rites et le changement, le silence et la parole. Toutes ces aspirations multicréatrices et cette sensibilité transversale trouvaient une expression paradigmatique dans l`aventure d`ERANOS, dont la feuille ci-jointe `Eclaircissements´ présente une première description. Eranos, commencé en 1933, est toujours vivant. http://www.eranos.org/francais/AA2.htm