Les curieuses moeurs de la mère Becker-Ho alias Alice Debord (I): femme Debord de la crise de nerfs
Chantage! Extrait d' un texte de Pierre ASSOULINE
L'autre affaire du même genre a éclaté également à la fin de l'année, mais dans une maison qui, par bien des aspects, est aux antipodes de Fata Morgana. Gallimard, qui abrite entre autres collections la prestigieuse "Série noire", y a publié Blocus solus de Bertrand Delcour [personnage suspect qui avait essayé, vainement, d' entrer en contact avec Debord - voir la correspondance entre Debord et Martos - FE], "un néo-polar où, lorsqu'on allume une bastos, c'est le canon qui fume". Cette histoire parodique plutôt bien ficelée, dédiée à la mémoire du regretté Jean-Patrick Manchette, est peut-être de nature à désarmer les critiques par son ton potache mais pas les flingueurs [Pierre Assouline est vraiment très, très indulgent ... - FE]. Elle n'aurait guère dépassé le cercle des aficionados si, entre les pages 40 et 46, on ne retrouvait l'ombre familière de "Guy Bordeux, l'auteur de la Société du spectral, le fondateur de l'Internationale simulationniste... quarante ans de démarches subversives toutes couronnées de succès... une légende vivante... un mythe...". Rien d'infamant. Juste une pointe d'irrévérence. Encore faut-il avoir de l'humour et ne pas se prendre trop au sérieux. Manifestement, ça n'a pas fait sourire Alice Debord, veuve de Guy Debord, auteur de La société du spectacle, fondateur de l'Internationale situationniste, un mythe... Or, il se trouve que depuis cinq ans son œuvre est rééditée par Gallimard. Que croyez-vous qu'il arrivât? Exactement. La veuve situ demanda à Antoine Gallimard la tête de Patrick Raynal, le patron de la Série noire. Ou, à défaut de son décollement en place de Grève, ses excuses publiques. Il n'en était pas question. M. Gallimard ayant dès lors endossé personnellement la responsabilité de cette affaire, bis repetita. Pas d'excuses? Alors rupture ou plutôt, comme dit Le Canard enchaîné pour rester dans le registre du spectacle, "Femme Debord de la crise de nerfs". Tant pis pour la Nrf, les Debord iront se faire éditer chez Fayard. Espérons que le grand homme y sera traité de la manière la plus "convenable" qui soit par les auteurs logés à la même enseigne. [voir l' amélioration des moeurs avec les mésaventures de Shigenobu Gonzalvez] . Le sort de Bertrand Delcour sera scellé par une mise au placard, Gallimard ne lui pardonnant pas cette guerre avec les situationnistes détenteurs des droits de Debord.