Je profite du blackblog :
Nous pouvons aujourd'hui dire que tout est artistique, tout en sachant que cette idée est fausse. Mais nous pouvons quand même le dire. Nous pouvons récuperer n'importe quoi. Notre façon de voir peut être très étonnante. Les spectateurs applaudissent. Nous privilègions le « coup de génie » de l'artiste, son acte héroïque très momentané, ou plus prosaiquement ses idées neuves. L'art contemporain ne produisant pas d'esthétique particulière, le musée ne présupposant pas de « médiums » spécifiques, tout devient artistique, car nous sommes très narcissiques, et que nous nous projetons dans n'importe quoi : c'est notre vision subjective qui est artistique. Mais nous sommes narcissiques et « réalistes », c'est à dire que nous n'aurons pas l'orgueil de croire tout à fait en nos créations subjectives. Ce qui de façon perverse, limite bien évidemment l'art dans ses ambitions : le problème de l'art contemporain est bien celui du subjectivisme. Il est en d'autres termes, le problème de l'artiste isolé. Et l'artiste de s'efforcer de privilégier le rapport au spectateur, de jouer avec lui, pour s'extraire de son subjectivisme. Jeux sémantiques, jeux régressifs, jeux agressifs ou provocateurs, jeux d'esprit, jeux corporels, etc... Mais cela ne réglera pas le problème du subjectivisme : il ne suffit pas de substituer une communication isolée de l'idée objective de l'art contemporain, au problème de l'expression isolée des artistes contemporains.
L'art contemporain ne produisant pas d'esthétique particulière, l'art contemporain devient donc absolument subjectif. Mais de toute façon, pouvons-nous nous contenter de cette esthétique informe de l'art contemporain ? Car si l'artiste est aujourd'hui libre de créer ce qu'il veut, il est surtout impuissant, car il ne saura se positionner par rapport au monde, par le biais d'une culture (l'art contemporain) qui refuse de se reconnaître en tant que telle. La culture positiviste de l'art contemporain est celle de sa non-justification, qui devrait se faire à travers ce que l'art produit objectivement comme esthétique, et des façons de penser qui en découlent. Nous savons simplement que l'art contemporain existe : l'art contemporain tire sa valeur de sa positivité, de la positivité du monde. Bien que cela ne suffise pas : aucune conscience n'est véritablement prise en compte, et cela ne produit aucune dynamique. Autant affirmer que la création humaine est inutile. Et pourtant des artistes contemporains semblent très actifs, très « créatifs ». S'il est certain que la case institutionnelle « art contemporain » permet tout simplement à ces artistes de vivre en partie de leur « art », il y a aussi une volonté de la part de l'artiste contemporain de produire des oeuvres. Cette volonté peut être une volonté de reconnaissance individuelle. Cette volonté est aussi, même assez souvent il faut le reconnaitre, en partie un désir de mutation, de changement, de nouveauté, combiné à des propositions esthétiques malheureusement mais fatalement inefficientes, limitées, et isolées. Cette « volonté » traduit surtout en réalité une perséverance de l'institution qu'est l'art contemporain à occuper l'espace : un jour, vous aussi vous ferez de l'art contemporain.
Des gens disent : « l'art contemporain n'existe pas, il s'agit simplement de créations singulières, ou bien à la limite d'affinités électives, qui ont pour point commun d'être actuelles. » Mais cette remarque est presque trop juste. Nous pouvons effectivement dire que les artistes ne se retrouvent pas nécessairement dans la case de l'art contemporain (mais où se retrouvent-ils ?). Cependant, il serait peut être un peu cynique de nier l'existence d'une culture, d'un milieu s'intéressant spécifiquement à l'art contemporain. Car il existe des musées, des galeries, des journaux spécialisés, et des théoriciens de l'art contemporain. Pour qu'effectivement « l'art contemporain n'existe pas » (ce qui est vrai en partie, mais de facon insidieuse), il serait peut être moins hypocrite de vouloir le démantèlement de ces institutions qui ne produisent que l'impuissance subjective des artistes qui se targuent de créer, comme des gens en général qui ne saisissent plus le possible dans leurs vies (l'esthétique de l'art contemporain étant l'esthétique du monde tel qu'il est).
Il est très couramment admis que l'art contemporain, c'est mieux que rien : qu'il vaut mieux des musées d'art contemporain, à pas de musées du tout. Qu'il vaut mieux des subventions pour les artistes, à une politique ne se préocuppant même pas des questions culturelles. Reste à saisir en quoi ce pragmatisme politiquement orienté peut-il s'appliquer sérieusement à l'art. Reste à saisir en quoi l'art contemporain pourra produire un jour, une ou plusieurs esthétiques objectives, à partir de l'état actuel. L'art contemporain cultive une irresponsabilité consistant à ne pas pendre pleinement conscience de lui-même, où à ne s'évaluer que dans ce qui le rend indéfinissable : et l'on parle « d'état gazeux » de l'art, de « bulles », et « d'informel ». Il ne s'agit d'ailleurs pas de savoir ce qu'est l'art contemporain, ou ce qu'il n'est pas, car cela n'est pas très intéressant. Il s'agit simplement de prendre conscience de son devenir, de ce qu'il anime : de son état pourrissant et infectieux, ou bien de son potentiel de vie, s'il en a un. Pour finir, une forme de responsabilité consisterait peut être en l'aptitude de l'artiste, comme face à un être humain, à se positionner par rapport à l'art contemporain : soit voir en l'art contemporain de vraies promesses, les rendre un peu plus évidentes qu'elles ne le sont aujourd'hui (en d'autre termes, produire une esthétique objective et solide), soit recouvrir l'art contemporain de terre, dissoudre tout à fait l'idée d'Art Kontemporain, au moyen d'oeuvres terminatrices, et plus vraisemblablement encore, en sachant combiner ces deux postures : l'art contemporain servira de compost.
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