Dialogue, conversion, conversation…
De l'idée d'avoir, ou de l'argent.
- Combien tu gagnes ?
Je sais d'avance qu'elle ne répondra pas à cette question. En fait, je me fous de savoir combien elle gagne. Peu m'importe ! 25, 30, 50 000 par mois ? Quelle importance ? Mesurer le degré d'indignation à adopter ? Stupidité. Cela restera toujours une histoire entre soi et soi ! A chacun de savoir où est sa place. Et chacun de s'accommoder avec sa conscience… Non, ce qui m'intéresse bien davantage, c'est sa réaction à la question. Le subterfuge qu'elle emploiera pour justifier son silence. Tester et constater jusqu'où peut aller le déni.
- Je préfère ne pas te le dire…
- Tu as honte de ce que tu gagnes …? C'est trop ?
Ses yeux trahissent son trouble. Toutefois, Elle répond, voulant être sûre d'elle.
- Non, ce n'est pas ça ! Je n'ai pas envie de te le dire. Ca n'apporte rien que tu le saches. Je gagne beaucoup, c'est tout.
- Mais encore ?
- Quel intérêt ?
- Parce que ce que tu gagnes te définit, d'un certain point de vue, tout simplement…
Elle est agacée. Ses gestes trahissent son émoi.
- Je ne veux pas être définit selon ce critère. C'est réducteur !
- D'accord, mais pourquoi cela te dérange ?
- Parce que ce n'est pas ça qui définit quelqu'un !
- Certes, mais ce que tu en fais oui… Non ?
- … Si…
- Alors ? Combien tu gagnes ?
Elle cherche. Comment échapper à cette question, comment se justifier ? Non, elle ne veut pas répondre.
- Mais pourquoi tu veux le savoir ?!
- Et pourquoi pas ?
- Parce que ça n'apporte rien que tu le saches !
- Ok ! Dis moi alors ce que tu fais de ton argent…
Ses yeux se font tout grands, ses pupilles se dilatent comme deux grosses billes… réaction immédiate, à fleur de peau. Elle lâche, quelque peu outrée :
- Mais !!! Ca ne te regarde pas !
Lui ne veut pas lâcher le morceau. Il insiste.
- Oh lala ! Ben dit donc… C'est un sujet sensible ! Tu as peur d'être jugée, condamnée, mal vue, mal perçue, mal comprise ? Tu as peur de quoi ?
- De rien ! Je n'ai simplement pas envie d'en parler ! Ca n'apporte rien ! Et puis tu vois, maintenant la discussion part en vrille !
- Oui, tu as raison, ça part en vrille… Pourquoi c'est une question qui fâche ?
- Oh ! Tu m'emmerdes avec tes questions à deux balles !
Nouvelle tentative… Clore la discussion, esquiver, être sûre de son bon droit. « Après tout, c'est ma vie privée. A MOI. Pourquoi faut-il que je me justifie ? »
- Je comprends. Pour autant, ce n'est pas non plus la seule chose qui te définisse, non ? Alors pourquoi c'est si difficile d'en parler ?
- Pff! J'sais pas ! Pas envie ! Et puis ça sert à rien. Je gagne plus que toi c'est tout !
- Ca, je le savais déjà !
- Eh bien tu n'as qu'à t'en satisfaire !
Lui refuse. Il veut gratter, chercher, dévoiler, démasquer. « Oui », se dit-il, « bas les masques ! »
- Non.
- Mais pourquoi tu veux savoir !
- De la poule ou de l'œuf ?
- Qu'est-ce que tu veux dire ?!
- Que même si une question est stupide, elle peut être posée.
- Une question stupide appelle une réponse stupide. Alors à quoi bon ?
- Parce qu'elle a le mérite d'être qualifiée en tant que telle, stupide… Une fois que c'est dit, c'est dit. Plus besoin de revenir dessus.
Silence… Quoi dire, quoi répondre. LA question est-elle justifiable ? Il rebondit.
- Pourquoi c'est un sujet tabou ?
- Oui, c'est vrai, et c'est particulièrement français comme attitude.
- Oui, la preuve…
Elle esquive, par pure réflexe, le non au bout des lèvres.
- Non, non… moi ce n'est pas ça.
Je souris, en pensant, « elle est ne manque pas d'air quand même…tous les autres sauf moi ! »
- Ah bon !… Alors c'est quoi ?!
Elle est acculée. Elle ne sait pas comment s'échapper… Se justifier, « non, je ne suis pas coupable. » en son fort intérieur.
- Tu sais, on ne sait jamais ce qui peut arriver… J'ai des responsabilités… mes enfants. Je n'ai pas le droit de ne pas tout faire pour subvenir à leur besoin.
Sous-entendu, il faut mettre de l'argent de côté, en gagner. A tout prix ? Parce que cela peut être salvateur !
- Oui, c'est sûr… On ne sait jamais ce qui peut arriver ! Et c'est bien là le problème !
Silence… Je continue.
- Cela signifie qu'il faut se battre, se battre pour y arriver.
Elle reprend espoir… Toute sa vie elle s'est battue… « Oui, j'ai raison ! »
- Ben oui ! C'est normal !
- Mais arriver à quoi ? A vivre ? A survivre ? Quel est le but ?
- Quoi ? Quel but ?
- Tu parles de tes enfants…
- Oui, justement, voilà mon but. Les aimer, et leurs donner le mieux que je puisse.
« Voilà, c'est dit ! Ca tient la route ! » se dit-elle.
- Bien sur ! Et c'est quoi le mieux ?
- Ben... Le mieux quoi !
- Mais c'est quoi le mieux ? Les habiller de marques ? Leur donner la meilleure éducation ? Pouvoir leur acheter tous ce qu'ils désirent ? C'est quoi le mieux ?
Elle soupire, décidément désabusée par mes questions.
- C'est s'assurer qu'ils ne manqueront de rien ! Voilà !
- Et les autres enfants ? Ceci devrait être un droit légitime pour tous les enfants, non ? Pourtant, c'est très loin d'être le cas !
Elle me regarde. Je sens pointer l'exaspération sur son visage. Il se crispe.
- Et qu'est-ce que je peux y faire ?!
- Commencer par me dire combien tu gagnes…
Pour le coup, ça y est ! Elle est vraiment exaspérée !
- Ah non ! Tu ne vas pas recommencer !
Elle reprend son souffle, et continue.
- Et puis je ne vois pas le rapport, d'abord !
- Très simple ! Savoir quelle est sa place et l'assumer ! L'assumer en n'ayant pas honte de le dire pour commencer… !
Elle relève le menton et me lance :
- Mais je n'ai pas honte !
Je souris…
- Je veux bien te croire... mais tu ne m'as toujours pas dit combien tu gagnes !
Elle se fâche carrément. La coupe est pleine !
- Bon ! Maintenant ça suffit ! C'est ma vie privée, et ça ne regarde que moi ! Et d'abord je te dis ce que j'ai envie de te dire ! C'est tout !
Oui, c'est dit… Et elle ne me le dira pas !
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Ah ! L'argent !
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- Dis-moi papa, c'est quoi l'argent ?
- L'argent, c'est ce qui sert à acheter.
- Et on peut tout acheter, dis, papa… ?
- Ben… oui mon lapin. Oui ! On peut tout acheter ! Tout est à vendre !
- Moi aussi ? Moi aussi je suis à vendre ?
- Non !!! Pas toi mon gros cœur ! Non, pas toi ! Tu as cette chance…
- Pourquoi j'ai de la chance ? Il y a des gens qui achètent des enfants ?
- Oui ma puce…Ca peut arriver, malheureusement. Je te l'ai dit. Tout est à vendre, les hommes, les enfants, la terre, même la lune !
- Et c'est cher ?
- Oh la ! Oui, plus c'est rare, plus c'est fou, plus c'est absurde ! Oui, tout ça c'est très cher !
- Mais si c'est très cher, pourquoi ils achètent ?
- Parce qu'ils ont tellement d'argent qu'ils ne savent plus quoi en faire…Alors ils achètent tout et n'importe quoi.
- Mais pourquoi ils gagnent autant d'argent alors ?
- Ben ... c'est le système qui veut ça. Ils le peuvent…alors ils font en sorte. C'est ce qu'ils veulent.
- Mais pourquoi ?
- Ils ont l'impression que, comme ça, ils réussiront leur vie.
- Et ce n'est pas vrai ?
- D'après toi, mon doudou ? Tu aimerais pouvoir te payer tout un magasin de jouet ?
- Oh oui papa ! Oui !
- Et tu crois que cela te rendrait plus heureux ?
- Euh…
- Tu ne sais pas ?
- Non, je ne suis pas sûre…Mais en tout cas ça me ferait drôlement plaisir, ça c'est sûr !
- Et si tu savais qu'en achetant tout le magasin, plein d'enfants n'auraient plus de jouet parce que tu aurais tout pris, cela te rendrait heureux ?
- Ben non ! Quand même !
- Hé oui ! Je te comprend (ouf !… mon enfant est saint d'esprit !) ! Pourtant, vois-tu, avec l'argent, c'est comme ça… Les gens en veulent toujours plus. Alors du coup, il n'y en a plus pour tout le monde.
- C'n'est pas juste !
- Oui, mon petit poussin, tu as raison, ce n'est pas juste !
- Et toi, papa, tu es juste ?
A chaque papa de la terre de donner sa réponse ! Et pour ceux qui ne le sont pas, de s'imaginer qu'ils le sont… Et de répondre !
Ne pas oublier non plus de remplacer le « p » par « m »… Les mamans aussi ont leur mot à dire, même si elles ont plus de raison !
Au monde entier de répondre… de ce qu'il accouchera !
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