Va sur BLOGGER. Voilà les codes | utilisateur = blackblog03@gmail.com | le mot de passe = black021268 | et blog le Meilleur du Pire et Vice-Versace. NB les codes ont été hacké.


ARCHIVES

22.11.03

Carl & Laurent

> et oui mon pauvre carl le bureau est au courant de tout tes gestes
> maintenant
> et tricare de toute nos soiréee et bientot des autres aussi
> salut pauvres naze
> Toute l'equipe du bureau de Laurent Guyot

C'est l'horreur ce qui est arrivé à Laurent Guyot.

Le bilan final a mis une bonne partie de la nuit à tomber, mais à 07:00, on en
était là : Double fracture du crane, 2 cotes et un poignet cassés, mâchoire
déboîtée.

Ils étaient sur les dents, littéralement, jamais vu un service d'ordre comme
ça, quatre énormes mecs en bomber noir que j'avais déjà vu ailleurs, chacun à
une entrée ou une autre, des pros, des mecs dont tu as peur, mais qui te
rassurent en même temps, normalement ils sont sensés rester plus calmes que
toi...

On n'a appris que beaucoup plus tard ce qui s'était passé. Les quatre mecs,
complètement perchés, ultra agressifs, une fois Laurent immobile dans son
sang, se sont redressés et ont attendu qu'on les ceinture/menotte sans
broncher, comme hypnotisés.

Tu vois c'est con, la hype, tu en vis, merde on la respire, lui et moi on
évolue au milieu, c'est si doux et bon, pourtant on sent, on subodore,
parfois même on sait, qu'on y arrivera pas, qu'il y a plusieurs inconnues aux
endroits-clés de l'équation, qu'il y a trop de sel au départ, que sais-je,
mais la sauce est gâtée d'avance.

On a du perdre le contrôle. qu'on n'a sans doute jamais eu. J'aurais jamais
pensé qu'il puisse se passer un truc aussi grave dans un contexte aussi
léger...

C'est vrai la hype c'est quoi, hein ?
Putain, mais la hype c'est FRM qui traîne chez toi à coté du lit rouge, des
capotes brandées FG, un demi-sourire du DJ, c'est léger la hype, c'est
synchroniser son Palm avec celui de Ramdane au milieu du lounge du salon du
streetwear, par dessus une foule de would-be, pendant qu'on met leurs trois
dernières cartes de visite dans le plus proche cendrier, une oeillade du
physio, pas toujours agréable, mais pas lourd, jamais...

Tout le monde aime la hype.
Non ?

Laurent, je peux te raconter.
C'était l'hiver dernier, qui s'est d'un coup réchauffé, je te jure.
On est tombé Amoureux, majuscule, de la pire et la meilleure façon qui soit :
Au boulot, et en public.

Tu sais, ce moment gênant, mais boostant, où tu sens que tout le monde dans
l'open-space a pigé, flagrant délit de drague, limite blasphème, vulgaire,
mon Dieu, ce truc que tu évites soigneusement en période de chasse "normale",
en croisière, et qui justement te met la puce à l'oreille : Tu fais fi de la
honte, tu rends stoïquement les cartes tendues, tu te ridiculises
délicieusement, et tu vois ça dans l'oeil de l'autre, pareil, rien à voir
avec l'habituel consentement de la proie, cet échange nu.
Tu oses.

C'était une star dans le métier à cette époque, rappelle-toi de Telepopmusic
et Royksopp, tiens c'est l'été où Le mec de noir désir a buté Machine
Trintignant. Moi je finissais Iam, j'avais détesté ce contrat, même pas baisé
alors qu'on était entre LA et Marseille tout le temps, c'était une foutue
canicule cette année, un record, et j'avais plus d'une bonne raison, moi
aussi, de rentrer dans l'hiver.

Après avoir entendu jazzer l'un de l'autre à tort et à travers, ce matin où
j'ai entendu sa voix en vrai, lui m'a vu sortir de l'ascenseur à travers la
baie vitrée du hall de Levallois, puis longer l'accueil pour le rejoindre
dans le hall, ce couloir vitré comme un catwalk ou mieux, une vitrine de
luxe, puisqu'en contre plongée, tendu de tissu rouge profond et assez long,
15 mètres, pour voir arriver quelqu'un, le détailler, l'air de rien.

On a eu une demi-douzaine de secondes pour se décider, c'est amplement
suffisant, 1,05" de contemplation et il s'est levé dans un beau mouvement
pivotant, me tournant le dos pour serrer la main de son rendez-vous, comme
ça, rien que ça, plus tard il m'avoua que c'était la seule chose à faire, et
que la femme qu'il secouait à ce moment s'était étonnée de cette soudaine
moiteur, qu'elle a même remarqué une illumination sur son visage. Et moi
j'avais vu son émotion comme il se retournait, et même encore de dos ça
passait.
L'Amour. Sans déconner, le grand, le beau, celui dont je parle à ma soeur les
yeux mi-clos, celui dont la lecture des magazines lifestyle n'est pas encore
parvenue à me dégoûter, celui que j'attendais chaque jour, et dont je
compensais l'attente en permanence, et qui faisait l'objet de mes plus belles
branlettes. C'était lui.
Encore officiellement attaché de presse d'Iam, en plein lancement d'album,
j'avais un angle d'attaque fabuleux, the edge ; Lui avec son asso, et cette
hype sur lui on ne pouvait pas se rater. Il avait littéralement besoin de
moi, I love this job.

On n'a pas idée de prendre des drogues psychotropes dans le cadre d'un boulot
sensible comme ça, et c'est ce qu'a semblé suggérer même le premier
communiqué : Il s'agissait bien d'un empoisonnement, dont on aura beau jeu de
déterminer les circonstances, vu l'état des nervis. Tout le monde est parti à
l'hôpital du Val de Grâce, dans l'unité de soins intensifs "sécurisée" de la
gendarmerie.
Le professeur Bonnet, qui a sauvé Laurent, c'est le type qui s'est occupé de
Chevènement, sans rire.
Les analyses ont révélé la présence de l'équivalent de 2 exctasy et... 10
tablettes de LSD, par individu. Tous les quatre la même dose exactement, faut
dire qu'il faisaient le même poids quasiment.

Ce déjeuner était prévu depuis 5 jours, autant dire de longue date, et j'étais
harnaché en conséquence : Ma limace Lagerfeld fétiche, celle des grands
jours, c'est à dire pas ultra-nette, un peu froissée, du grand art, sous mon
nouveau haut Gucci gris sombre, avec mon jean brun Girbaud qui commence à
vraiment craindre, mais je peux pas le jeter.
Et des boots Bowens. Et pas de parfum. Et un début de gaule absolument
parfait, sculptural.

On était à quatre mètres maintenant.

Tout le monde nous voyait.
Non ?

Il avait les cheveux humides de pluie, imagine la bombe ; En costard Paul
Smith et Doc Marteens astronaut basses, sa chemise bouffait un tout petit
peu, et un oeil habitué ne pouvait pas ignorer la planche athlétique mal
cachée en dessous. Son futal tombait à l'aplomb de ses fesses comme carrées,
amples et compactes, de ces paradoxes matériels qui font les vrais canons.
Le mec inévitable, radioactif, magnifique.

J'en avais appris des vertes et des pas mures sur ce trentenaire larger than
life. A la maquette, au troisième, Julie Wizman croyait savoir beaucoup de
choses sur lui, que m'avait rapportées Ruth, la D.A, parce que ladite Julie,
je voulais pas la voir.
Alain, le chef de pub d'Esquire, que je croisais à chaque pince-fesses,
l'avait eu en "séminaire" dans je ne sais plus quelles îles, et malgré sa
proverbiale discrétion, m'avait tout de même lâché certains indices.
Tout ça faisait de lui un portrait coloré, c'est rien de le dire.
Un sportif du sexe, et même si dans cette boite, du service courrier à la
direction, les histoires de cul sont aussi anodines que les notes de service,
elles sont restées une distraction de choix, et il faut reconnaître que
l'emploi du temps sexuel de Laurent était assez édifiant pour illuminer le
plus maussade des briefings.

C'est à Amsterdam que j'avais par hasard croisé Yannis deux ans avant, où il
se faisait des couilles en or à fourguer cette came, des comprimés sécables
en quatre, "genre Lexomil, mais le contraire", toute la ville en cherchait,
et les flics devenaient fous.
Ce grand grec timbré, avec qui j'avais fait le GO à Ibiza en 88, avait fait
médecine en France, et n'avait retenu que les leçons de chimie. Il m'en avait
dosée une dizaine très fort, en me disant "c'est oune arme cé truc, tou
donnes ça à oune type et il devient fou." "Fou" ! Il m'avait regardé avec des
yeux qui disaient la pure vérité.
Je les avais gardé sans savoir vraiment à quoi ils me serviraient, mais ils me
rassuraient.

Tout le monde est armé.
Non ?

Là on se faisait face à deux mètres, et on a ralenti tous les deux dans un
rêve, pour s'observer à loisir, dans les mosaïques du hall qui n'avaient
jamais été aussi belles, pour fixer naïvement l'image du coup de foudre,
c'est là que c'est devenu évident pour tout le monde, je te dis, la honte,
imagine ça, un cauchemar où on entendait un coeur distordu de gamines scander
"oh les amoureux, oh les amoureux" tu vois le genre. Irréel. Nous, tout
sourire.

Selon une rumeur relayée par à peu près tout le monde, et vérifiée avec
célérité une fois les noms posés sur les images, Laurent est du genre
marathonien, une nuit sur deux il rentre tôt, se couche avec les poules à
vingt et une heures pour s'endormir à vingt et une heures quart, son réveil
sonne à deux heures, à deux heures quart il est dressed to kill, en baskets,
jean couture et cuir de marlou ; Il part niquer la capitale en commençant par
le dépôt, où il a ses habitudes, et soit il y trouve la troupe,
littéralement, nécessaire à son hygiène régulière, soit il écume toutes les
backrooms d'île de France au volant de son obligatoire Z3.
Il arrive au boulot à 9:30 pétantes, il s'est changé dans sa caisse, superman,
et débarque en réunion après l'ultime check du miroir de l'ascenseur, où il
n'est pas rare de repérer en dernière minute la traînée blanche suspecte à la
commissure des lèvres, ou quelque autre braise encore dangereusement chaude.
Même chez le plus réac des raconteurs, dont cette boite neo-branchouille est
aussi pleine qu'une compagnie d'assurance, on décèle plus qu'une envie, le
doux regret d'une damnation impossible, éternelle, sublime.

C'est lui qui a serré le plus fort. Nos mains étaient moites et brûlantes,
toutes les quatre, et justement son autre main, au lieu de la laisser faire
son job de RP naturel, genre wave hello, la gauche, il me l'a glissée dans le
dos, dans ce geste, certes convivial et pas complètement hors-sujet, mais là
franchement emphatique, de "venez que je vous présente à nos invités" et il
m'a poussé légèrement, rien ne pouvait plus échapper à personne, j'étais à la
fois mort de honte et rayonnant de force et de bonheur.

Tout le monde est jaloux.
Non ?

Ça avait pourtant bien commencé.
Il découvrait Belleville, avait sa vie ailleurs qui ne parasitait donc pas la
notre, personne ne sait vraiment d'où vient Laurent.
On était littéralement collés.
Une semaine de congé, c'est tout ce qu'on a vécu ensemble. Du jeudi au jeudi.
Un seul dimanche. Dire qu'on s'aimait, comme ça, c'est peut-être un peu
rapide, mais on était tout les deux à peu près certains de s'être débarrassé
de la haine.

J'ai juste voulu me venger, et encore aujourd'hui je me demande où il est allé
cherché cette haine soudaine, qui lui a instillé ce dégoût de mon corps, de
ma voix, de tout ce que j'étais pour lui.

Imagine que toute la bande a reçu ce mail.

En plus c'est signé "Toute l'équipe du bureau de Laurent Guyot", après un
tissu de fautes d'orthographe où on VOIT, même pas en transparence, mais là,
sans effort de concentration, physiquement, danser les formes nettes de
Laurent et de sa dernière conquête, nus sur le tapis-bulle de la salle
d'exercice de son putain d'appart, morts de rire devant l'écran du laptop, un
jeune canon comme il s'en trouve autant qu'il veut, qui tente d'écrire en
riant pendant que lui le tripote les yeux fermés..

Tu m'étonnes que c'est plein de fautes.

Tout le mode est content, finalement.
Non ?

pX
eXTReMe Tracker